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Yellowknife, TNO : découvrir l’hiver dans le Grand Nord du Canada

Cela fait presque 8 semaines que je suis installée à Yellowknife. Le temps passe vite, finalement. Enfin, je dis ça mais il semblerait qu’il existe deux espaces-temps tant mon amoureux me manque – sept semaines, ressentis 6 mois.

Il n’empêche que je suis reconnaissante d’être ici, je mesure à quel point c’est extraordinaire. 

Un vlog correspondant aux moments racontés ici est en ligne. Clique ici pour aller le visionner 🙂 

Alors de quoi est ponctué mon quotidien ?

De mes cils qui gèlent. J’aime beaucoup le répéter mais il faut vraiment prendre conscience du phénomène. Quand il y a un ressentis -30 / -40°C, il suffit d’être dehors pendant trois minutes. Cligner des yeux devient un effort. Je ne rigole même pas. Les cils, empêtrés de givre, pèsent une tonne. Pendant mon trajet jusqu’au travail, soit une marche d’environ vingt/vingt-cinq minutes, je me frotte les yeux plusieurs fois pour me débarrasser de la masse de glace déjà agglutinée. Mais moi, je trouve ça drôle et si exotique !

De personnes qui traversent la route devant toi en scooter de neige. Bianca m’a dit qu’elle a déjà vu des scooters qui tractaient un traîneau rempli de courses ! C’est vraiment un mode de vie. Ce moyen de transport est très présent et il n’est pas rare d’entendre leur bruit caractéristique au quotidien, c’est comme devenu un fond sonore. 

Croiser des renards dans les rues. Littéralement. Ils traversent en courant, ou se baladent tranquillement et te croisent l’air de rien. Les renards n’ont plus peur des humains dans Yellowknife, ils ne s’enfuient pas. On dirait des chats. Tout va bien ! L’autre jour, en allant dans un bar rejoindre une française habitant ici, il était à un mètre de moi. 

D’aurores boréales. Yellowknife est le meilleur endroit pour les voir au Canada, et un des meilleurs dans le monde. Bon, j’avoue, ce n’est pas tous les jours qu’on a le droit au spectacle. Certaines soirées, certaines nuits sont plus propices que d’autres. Il faut se référer à l’indice kp, qui est utilisé pour déterminer la probabilité de voir des aurores boréales. C’est l’un des indices les plus couramment utilisés pour indiquer la gravité des perturbations magnétiques mondiales dans l’espace proche de la Terre. De plus, si les aurores boréales sont la plupart du temps bien présentes, il peut être difficile de les voir à cause de la couverture nuageuse. Surtout, elles sont très mouvantes. Elles peuvent être visibles à 21h30 au-dessus du lac, puis plus du tout à 21h45. Quelqu’un vous dira, tout heureux, les avoir admirées à une dizaine de kilomètres à 21h50. C’est donc aussi une question de chance et de bon moment. On ne peut décemment pas s’arrêter de vivre dans l’espoir de les voir tous les soirs. Lorsqu’on dîne, lorsqu’on dort, lorsqu’on sort entre amis, on laisse certainement passer des occasions. Mais on peut aussi être au bon endroit, au bon moment, et les voir de manière tout à fait inattendue. Je les ai observées en sortant du travail après mon service un soir à 21h20. Mon collègue, avec qui je ferme le café le samedi soir, les a remarquées en premier et m’a dit de lever la tête. Une grande aurore était au-dessus du lac. Elle était timide mais elle était là. Après une grosse journée de travail, un sourire s’est dessiné immédiatement sur mes lèvres. Cela ne m’a pas empêché d’aller à la brasserie. Mais en sortant quarante minutes plus tard, elle était toujours là. Elle s’était même intensifiée, plus verte encore. D’ailleurs, je les vois vraiment à l’œil nu ces derniers jours. Le ciel doit être plus clair qu’en janvier, les ondes plus intenses. Pour vous faire une idée, les photographies que j’ai publié dans le premier article sur Yellowknife (à relire en cliquant ici), montrent des couleurs que je vois aujourd’hui de mes propres yeux, et non à travers le mode nuit de ma caméra !

Un soir la semaine dernière, j’étais obnubilée par mon téléphone et mon ordinateur et, en allant me coucher et après avoir éteint toutes les lumières, j’ai remarqué des lignes légèrement vertes à travers la fenêtre. Les yeux s’habituent puis on les voit carrément. Quelques minutes plus tard, c’était juste magique au-dessus du lac. Elles étaient énormes et ondulaient et dansaient si vite. Quand elles sont aussi vives, le spectacle est toujours très impressionnant. Je pense toutefois qu’il faut savoir apprécier le spectacle à l’instant T, qu’importe où l’on est, tant il peut être éphémère. J’ai été tentée d’aller voir les aurores dehors, sur le grand deck qui n’est pas relié à la maison. Eh bien, le temps de m’habiller – je rappelle qu’on ne sort pas en courant en pyjama, il y a un ressentis -40 en ce moment-, la magie avait disparu : elles étaient toujours là, tout autour de moi façon 360°, mais elles semblaient s’être quelque peu immobilisées et affaiblies. Tout ça pour dire que je vois des aurores assez régulièrement et que ça me fait toujours autant plaisir !

Des ciels de folie. Les couleurs du ciel sont magiques. Personne ne peut se lasser de couleurs comme ça, c’est pas possible. Des tons de pastel le matin et le soir. Des tons violet comme tu n’as jamais vu ça. Des couleurs plus criardes pendant le coucher de soleil. Celui qui dit que Yellowknife est fade est, à mon avis, un grand blasé de la vie.

La pêche sur glace authentique

Mon ami Julien s’est pris de passion pour la pêche, et notamment la pêche sur glace, et a investi dans du matériel avec un de ses collègues. Il a acheté les cannes et les fameuses chaises pliantes bien sûr, mais aussi le chauffage portatif et la tente bien isolante du froid. En effet, quand il fait -30°C dehors, être installé dans sa tente / sa cabane / sa caravane est un luxe dont on ne se prive pas quand on en a les moyens. Bon… pour admirer les paysages à couper le souffle depuis l’intérieur de la tente, on repassera. Julien m’a embarqué en sortie pêche un dimanche et on est allés sur Banting Lake, où il a installé sa tente pour l’hiver. Ici, tu choisis un lac – Yellowknife est littéralement entourée d’eau douce – et ensuite tu choisis ton spot, en toute liberté. Sa tente est donc posée sur un lac gelé recouvert de neige, au milieu de nul part. Il y a quelques chalets ci et là mais globalement, on est seuls. Nous et l’immensité des TNO. C’était très beau !

La dernière fois qu’il était venu pêcher, c’était sept jours plus tôt. Il a donc évidemment dû recreuser les trous puisque la glace les avait bien bouché en une semaine. Il l’a fait manuellement, avec ce qu’on appelle une tarière. Il en existe aussi à batterie. J’ai filmé la scène et vous pourrez retrouver ce moment dans mon vlog en cliquant ici. Une fois que le trou est fait, on sort la glace pilée qui s’est accumulée sur les côtés pour avoir une meilleure visibilité sur notre spot de pêche. 

A l’intérieur de la tente, il faisait si bon grâce à son chauffage que nous avons pêché sans gants, c’était fou ! Par contre, mes bottes Baffin ont beau être super quand je suis en mouvement, elles ne sont pas assez isolantes et chaudes quand je suis statique, comme pendant une chasse aux aurores sur la Ingraham Trail ou pendant la pêche sur glace. Je vais acheter des chaufferettes pour les pieds pour remédier à ça ! 

La dernière fois qu’il était allé pêcher de son côté, il nous avait ramené à la maison une grosse truite, qu’il avait vidé et fait cuire tranquillement à la poêle. Cette fois-ci, on avait un super plan de poisson frais au four, avec des gousses d’ail, des oignons et des carottes… mais ni lui ni moi n’avons réussi à attraper un poisson ! C’était pas faute d’être motivés pourtant ! Ce sera pour une prochaine fois.

Traverser des lacs à pieds, en voiture, en skis

Pour aller jusque la tente de Julien qui se situe sur Banting Lake, on a roulé pendant 40 minutes et traversé deux lacs : Vee Lake et Walsh Lake. On est passé d’un lac gelé à un autre de façon rapprochée. Depuis Yellowknife, on a suivi la route nommée Ingraham Trail, puis on a bifurqué sur la Vee Lake Road. Arrivés au lac Vee Lake, on a quitté la route classique et on a emprunté les routes de glace ! Voici une carte tirée de Google maps pour vous donner une idée. Vous pouvez zoomer et dézoomer.

De façon plus locale et quotidienne, les lacs, on les emprunte aussi à pieds dans Yellowknife : pour prendre un raccourci et arriver au musée plus vite (Frame Lake), pour aller voir comment avance la construction du château de glace (Grand Lac des Esclaves), pour prendre une jolie photo pas loin de la maison (Niven Lake). 

Les gens qui habitent les maisons-bateau sur le grand lac utilisent leur pick-up. 

Pick-up roulant sur le Grand Lac des Esclaves - Maisons-bateaux
Au premier plan, maisons sur la terre ferme ; au second plan, les maisons-bateaux

Toutes les rivières et tous les lacs peuvent servir de route ou de piste d’atterrissage. Les avions-ski s’élancent du Grand Lac des Esclaves et il y a même une piste d’atterrissage officielle : celle de la compagnie Tindi Air ! 

Depuis que les routes de glace ont ouvert, on peut rejoindre Dettah ou les mines de diamant (ce sujet fera l’objet d’un article à part !) depuis Yellowknife. On voit donc maintenant plus de camions quand on se promène, notamment sur la Ingraham Trail ! Faut s’imaginer les émissions comme Les convois de l’extrême.

Petite vidéo illustrative ci-dessous tirée de Youtube (vous pouvez agrandir la vidéo et mettre le son, les explications sont sympa). 

Camion citerne sur la route de glace. En cliquant sur la photo, vous serez redirigés vers le site source dont l'article - rédigé en anglais - est très intéressant

Dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a 1680 km de routes de glace qui dépendent du gel des lacs et des rivières. La plus longue route de glace du monde relie Yellowknife aux trois mines de diamant : Ekati, Diavik et Snap Lake. 

Les routes de glace sont ouvertes huit à dix semaines par an, de mi-janvier à mars. 

Cette année, les routes de glace ont ouvert exceptionnellement tard (mi-février il me semble) car les températures étaient trop clémentes et la glace n’était pas assez épaisse. Les locaux des TNO étaient particulièrement impatients. Ces routes sont en effet beaucoup plus efficientes et pratiques pour relier un point  A à un point B.  

La route doit être reconstruite tous les ans et la hauteur de glace est très contrôlée : quand l’épaisseur de glace atteint un mètre, la route de glace ouvre car elle pourra supporter un camion citerne rempli entièrement (soit 44 tonnes de carburant).

J’ai personnellement roulé sur la route de glace menant à Dettah avec mon amie Camille. Cette route sur le Grand Lac des Esclaves fait environ six kilomètres. C’est ce jour-là, le 5 mars 2024, que j’ai aperçu pour la première fois la glace bleue. J’ai pu observer l’épaisseur de glace. C’est magnifique et très impressionnant. Il doit y avoir environ un mètre de glace ! Vous pouvez également voir cela dans le vlog. 

Arrivée sur Dettah
Vivre avec les autochtones 

Yellowknife se situe en territoire Dene, le groupe autochtone présent dans les TNO. Donc à Yellowknife, il y a beaucoup de blancs mais aussi beaucoup de personnes autochtones ou issues de familles autochtones.  

Sur l’île Latham dans la vieille ville de Yellowknife, il y a le territoire autochtone Ndilǫ (qui se prononce [Dilo]). 

La vie locale est marquée par la culture autochtone. Par exemple, les Dene Drummers, que je n’ai pas encore eu l’occasion d’entendre, jouent souvent lors de grands événements. Le chef de Dettah fait des discours lors de ces derniers également, comme au Gala organisé par l’association afro caribéenne de Yellowknife. 

J’ai déjà croisé plusieurs fois, et notamment au café où je travaille, des femmes avec des tatouages géométriques sur le visage, comme des triangles inversés de la base du cuir chevelu jusqu’au milieu du front. C’est intrigant et très surprenant la première fois ! Passée la surprise, j’ai trouvé ça joli et assez captivant. Je ne sais pas s’ils ont une signification ou s’ils sont seulement esthétiques. Faut dire que, malheureusement, je ne suis pas franchement en contact avec elles/eux. 

Des habitants issues de familles Premières Nations… mais pas que !

Comme je l’ai évoqué un peu plus haut, il existe une importante communauté afro caribéenne à Yellowknife. Tout comme une importante population francophone. Yellowknife compte parmi ses habitants des réfugiés politiques, des immigrés de l’Europe de l’Ouest, mais aussi des canadiens venant d’autres provinces comme l’Alberta, la Colombie-Britannique ou le Québec. Je suis loin d’être la seule à avoir choisi le grand Nord ! Cette mixité est belle et amène beaucoup de solidarité et de bienveillance, je trouve. En plus, de la solidarité liée au mode de vie dans le grand Nord. 

La routine

Mis à part cela, mon travail au Sundog Trading Post se passe bien. Je maîtrise toutes les sortes de cafés et je m’entends bien avec tous mes collègues. J’ai trouvé mes marques. Je fais des semaines de quarante heures en moyenne. 

Je ne dors pas assez car j’attends souvent que mon chéri se réveille en Allemagne pour qu’on puisse discuter un peu. C’est vrai que je n’ai pas vraiment le temps au travail et il part bien souvent se coucher sans qu’on ait vraiment pu parler. On s’appelle souvent le matin pendant mes jours de repos – le soir pour lui. 

Je vais régulièrement à la brasserie avec Bianca, où l’on retrouve Julien qui y est barman. J’y bois des pintes locales. Elles sont servies en pinte (16 onz) ou en giga pinte (22 onz) : les demi, c’est la honte, askip – je plaisante, mais disons qu’il faut préciser si on veut une petite car la norme est la pinte, comme en Allemagne. Je parle en onces dans le plus grand des calmes, mais je continue d’activer mon VPN pour avoir accès aux recettes avec les mesures françaises ! Sinon, c’est à la brasserie que je mange des poutines. Le Canada m’avait aussi manqué pour ça ! On ne se refait pas, j’aime toujours autant ça !

Au travail
Depuis la fenêtre du bureau
Petit bout de la Ingraham Trail
Chutes de glace
Winter Wonderland
Ma maison
Rivière Yellowknife

J'arrête ici mon récit pour ce premier article entièrement consacré à Yellowknife. J'espère que cet article vous a plu ! A bientôt !

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